Auteur : Malvina Girard

Je vais rappeler quelques points que j’ai déjà évoqués lors des Rencontres de la FFDS mais qui me paraissent essentiels.

Tout d’abord quel que soit le symptôme, la problématique, être dans la rencontre, l’échange, le jeu pour créer l’alliance, être accessible, s’adapter aux différentes situations que nous offrent les enfants pour leur redonner confiance (ce sont eux qui ont la solution) et les motiver.
Puis je recherche les informations, je fais l’analyse avec l’enfant et les parents. Quand, comment, avec qui, dans quelles situations, qu’est-ce que cela te fait vivre, est-ce que tu le vis à d’autres moments, est-ce que tu en parles, qui le sait, qu’est-ce que ça t’empêche de faire, qu’est-ce que tu ferais si tu n’avais plus cette difficulté, comment tu serais, comment tu te sentirais ? Bien sûr, toutes ces questions ne sont pas posées en même temps lors de l’anamnèse. Mais se révèlent au fur et à mesure des séances, des difficultés qui émergent. Certaines ne seront pas nécessairement posées, les réponses se dévoilant naturellement au cours des séances lors de certains exercices dynamiques comme nous l’avons vu avec les coussins ou lors de certaines activations.

 

Puis grâce à tous les exercices dynamiques, les relaxations et les activations (nous avons vu qu’ils sont nombreux). L’essentiel est dans l’intention et le sens que l’on donne à ses outils : qu’est-ce qui serait utile pour lui, en quoi cet exercice, ce mouvement, cette visualisation pourrait lui convenir, l’aider ?...). Je travaille sur ses besoins (sensations, expression, équilibre, force, sécurité, protection, liberté… Là aussi, certaines questions lors de certains exercices ou activations peuvent l’aider comme : « De quoi tu aurais besoin là maintenant, qu’est-ce qui pourrait t’aider, connais-tu quelqu’un qui est comme ça : un modèle parental, familial, un ami, un copain, un héros… » Et sur tout le positif dont il a conscience, qu’il ressent déjà en lui à l’instant présent (ce qui est essentiel pour qu’il ne s’identifie pas à ses difficultés qui lui sont en général rabâchées tout au long de la journée sous forme de gronderie, de moquerie et parfois même de menace), qu’il prenne conscience qu’il n’est pas que ça…).

Il faut donc du temps, de la patience. Il faut motiver, encourager, le laisser refuser, expérimenter à sa manière, s’adapter, le laisser avoir peur, le rassurer (lui et le parent), laisser mûrir et émerger le sens: attendre qu’il soit PRET, qu’il ait envie d’évoluer avec tous les risques que cela implique. A ce stade là, je commence à l’accompagner sur les nouvelles ressources à mettre en place, ses capacités, les futurisations, c’est le « tout est possible » où je l’encourage à se féliciter. Je consacre également du temps sur la prise de conscience de ses défauts pour les accepter (En sont-ils vraiment ? Pour qui ? Sont-ils utiles ?) et de ses qualités pour les découvrir : c’est une phase importante que je ne redévelopperai pas ici l’ayant fait lors de mon intervention car elle permet à l’enfant de prendre conscience de son propre regard sur lui et de celui des autres, l’importance qu’il lui accorde, et donc de pouvoir commencer à se libérer du jugement de l’ autre tout en s’accordant de la bienveillance.
Pour finir, je guide une ou deux séances un peu plus espacées que les autres sur son devenir dans 1 an, 5 ans, 10 ans : Qu’est-ce que ça change (et va changer) dans ta vie. Comment tu te vois plus tard ?...
Bien sûr, ce cheminement comme tout accompagnement thérapeutique n’est pas exempt d’obstacles qui nous servent toujours au final à avancer.

La première difficulté réside parfois dans un cadre mal posé. J’en ai déjà parlé. Je rappellerai juste qu’il faut bien délimiter ce cadre surtout pour certains enfants agités (ne pas se faire mal) ou à comportements agressifs ou très opposants (ne rien casser, ne pas insulter…), rappeler aussi pourquoi ils sont là et surtout donner la place juste à chacun : l’enfant, le parent. Etre dans le positionnement sans oublier que nous sommes des sophrologues et non des éducateurs. Parler également de la confidentialité, tout ce que me dit l’enfant reste entre nous, est secret sauf ce qu’il a envie que je dise, les messages qu’il a parfois besoin que ses parents entendent exceptés ceux qu’il est prêt à exprimer lui-même.

La deuxième difficulté concerne notre réalité objective. Je reviens sur le fait que travailler avec les enfants demande que nous soyons en lien avec notre enfant intérieur que ceci ait du sens pour soi. Sans un travail sur moi et une supervision suivie, certaines situations vécues aussi bien avec l’enfant qu’avec le parent m’aurait été difficile à résoudre, il faut attacher de l’importance au transfert et contre-transfert : Qu’est-ce qu’ils (enfant et parents) me disent là. Qu’est-ce que j’entends ou ne veux pas entendre, voir ? Pourquoi c’est difficile pour moi ? Pourquoi je ressens ça ? Qu’est-ce qu’ils me font revivre là. Où j’en suis avec çà, avec cette problématique, cette blessure ?... Puis toutes ces questions cruciales qui vont nous permettre d’avancer : De quoi a t-il besoin ? Comment je peux l’aider avec ce que je suis, ce que je sais ? Si j’étais à sa place, qu’est-ce qui m’aiderait, de quoi j’aurais besoin, quels sont les mots qui me soulageraient, les attitudes qui me rassureraient ?...

La troisième difficulté que l’on peut rencontrer, est bien connue de tous les thérapeutes : ce sont les bénéfices secondaires. Derrière chaque symptôme, il y a une souffrance et un besoin d’attention, d’amour. Il est donc primordial de les repérer, d’en parler, d’expliquer que c’est normal, qu’il ne faut pas forcer, qu’il faut du temps : « FAIRE CONFIANCE, ça va venir… ». Pour cela, j’utilise beaucoup les symboles pour expliquer les blocages (à l’enfant mais aussi aux parents pour plus de compréhension) et pour mettre aussi en scène les conséquences positives du déblocage : « Tu vois en ce moment, voilà ce que tu vis… », « Quand ça ira mieux, c’est ça qui va se passer… », « Ca pourra te permettre de…. », « Tu te souviens de ce que tu m’avais dit un jour, le jour où j’aurai plus…, je ferais…». C’est faire comprendre à l’enfant qu’il y a une continuité, qu’en lâchant un symptôme, il ne perd pas tout, qu’il gagne quelque chose : « ça va lui permettre de… ».

Pour illustrer mes propos, je vais relater le cas d’une petite fille de 7 ans et demi qui m’est envoyée pour un problème d’énurésie primaire. Mais avant de commencer, il est important de distinguer l’énurésie primaire (l’enfant n’a jamais été propre) de l’énurésie secondaire (rechute accidentelle). Si l’énurésie secondaire est plus facilement et rapidement soulagée, souvent due à un problème psychique, l’énurésie primaire est quant à elle beaucoup plus longue à prendre en charge et ne peut se faire sans avoir eu au préalable un diagnostic médical confirmant qu’il n’existe aucun problème mécanique. Il est important également de rappeler qu’on ne peut demander à un enfant d’être propre la nuit avant un certain âge (environ 4 ans).
Ma petite patiente souffre donc d’une énurésie primaire pour laquelle elle a déjà rencontrée plusieurs médecin conseillant tous leurs méthodes : les uns comptant sur une semaine les jours tristes et nuageux avec la pluie pour les soirs de pipi et ceux avec le soleil pour les soirs secs, les autres préconisant les récompenses, d’autres les silences. Bref ma patiente arrive, après 1 an et demi, découragée et surtout persuadée qu’elle n’y arrivera jamais. De plus, elle a peur du noir et a des difficultés d’endormissement avec des rîtes.
Nous travaillons ensemble le relâchement avec les contractions/relâchements, les sensations pour écouter les signes de son corps et répondre à ses besoins (passant beaucoup de temps, comme nous l’avons vu grâce au livre, pour comprendre son corps et son fonctionnement), évacuer : Qu’est-ce que je contiens, retiens ? Avec les coussins et le coup de poing mais aussi le bonhomme gonflable, la boîte magique, le pantin… Nous travaillons la sécurité, la protection avec l’aura, l’étoile, la lumière intérieure, le lieu sûr, l’arc-en-ciel, les visages aimés qui rassurent… Nous travaillons l’enracinement avec l’arbre complet - qui regroupe beaucoup d’exercices dynamiques - de façon ludique, la rotation du buste, la place légitime avec l’oiseau dans sa coquille… la force avec l’homme fort, la fusée, exercices yeux ouverts/yeux fermés (je rappelle ici qu’elle avait très peur du noir et donc même de fermer les yeux) et des activations comme la montgolfière et le cheval pour activer la liberté. Chaque activation se fait en relation avec l’eau sans se mouiller : quitter une plage humide pour aller sur le sable chaud, sauter sur des pierres sans se mouiller pour traverser un ruisseau, sentir la chaleur du soleil tout en écoutant l’eau qui coule et se sentir sec, aller sur une île sur un radeau sans s’éclabousser, jouer dans la neige en sentant la chaleur des vêtements qui nous protègent malgré le froid dehors, galoper sur un cheval au bord des vagues sans s’éclabousser et il y en a bien d’autres comme nous l’avons vu sans oublier de faire travailler votre imagination et la sienne !...
Pendant les séances, ma patiente a beaucoup de mal à se poser. Le seul moment de pause réside en une courte relaxation mais dès l’activation elle retrouve le besoin de faire travailler son imagination en mouvement. Il y a beaucoup d’insécurité dans ses activations avec des scénarios catastrophes, des tremblements de terre, la terre qui s’ouvre, qui étouffe, des morts. C’est toujours sombre, pluvieux, orageux avec souvent la présence d’une image maternelle adorée mais étouffante qui l’empêche de vivre. Elle gronde souvent sa maman. Elle a toujours le rôle de la plus belle, la plus aimée, celle qui a le pouvoir de changer les choses. Je sens une difficulté, un conflit autour de la mère, ce besoin d’elle énorme, d’être aimée, reconnue par elle et ce besoin de la rejeter : elle l’étouffe, empêche la légèreté, l’insouciance, l’empêche de vivre, d’être.
Avec son accord, je décide donc de rencontrer sa maman (elle me demande d’ailleurs souvent de parler avec elle). Je la questionne (ce que j’avais déjà fait lors de l’anamnèse) sur des difficultés récentes vécues au sein de la famille. Son arrière-grand-mère maternelle dont elle était très proche vient de décéder. Je lui redemande si sa grossesse s’est bien passée, elle me répond par l’affirmatif, si aucun évènement particulier ou une inquiétude a été vécue, elle me répond qu’en effet elle avait été très anxieuse pendant sa grossesse. Je lui demande si ce n’est pas trop indiscret d’en savoir plus : elle m’apprend que juste avant de tomber enceinte de sa fille elle a perdu un bébé à 6 mois de grossesse et qu’elle avait donc vécu celle de sa fille dans l’angoisse de la perdre.
Mais elle m’informe qu’elle a déjà rencontré un psychothérapeute quand sa fille était nourrisson pour des problèmes de sommeil et qu’elle en a parlé. Au fur et à mesure l’émotion émerge de son discours. J’accompagne cette maman en souffrance, les laisse ensemble exprimer leurs douleurs et leurs peurs et leur propose une action symbolique à faire ensemble chez elles. Puis nous nous revoyons volontairement 15 jours après pour 2 séances. Je la retrouve plus légère, insouciante, plus présente, moins agitée. Les séances et les activations sont plus vivantes, le soleil est revenu, il brille et elle vit du plaisir. Elle part tout le mois d’août en vacances et dès son retour, je lui propose d’enlever ses couches la nuit et de gérer seule les draps mouillés en cas d’accident. J’invite également le papa à jouer son rôle en lui proposant de prendre le relais de la petite histoire avant de se coucher. J’insiste surtout auprès de sa maman sur le fait qu’il faut qu’elle aussi soit prête, qu’accompagner sa fille vers l’autonomie est la condition de la réussite, qu’elle ne lui enlève rien, qu’elle n’a rien à perdre mais au contraire tout à gagner. De plus, j’aurai besoin de sa participation, le lien continue entre elle mais autrement, pas pour la maintenir bébé dans la peur mais pour l’aider à grandir, la guider vers l’autonomie, l’indépendance. Sa maman se sent prête.
Nous commençons donc les futurisations mais à chaque proposition elle me rétorque :
« Ca va pas marcher ton truc…, ça va pas marcher ton truc ».
« Ecoute, je suis entrain de me poser une question : as-tu vraiment envie que ça marche mes trucs ? »
« Ben oui ! »
« D’accord, je te crois alors imagine juste un instant que ça marche, qu’est-ce qui se passerait pour toi, qu’est-ce que ça t’enlèverait, qu’est-ce que tu n’aurais plus ? »
Silence.
« Ah mais ça je ne peux pas te le dire c’est un secret. »
« D’accord, c’est un secret que tu partages avec quelqu’un d’autre ou c’est un secret entre toi et toi ? »
« Entre moi et moi. »
« Bon très bien dans ce cas, je te laisse juger si cela est important que tu me le dises pour que je puisse continuer à t’aider efficacement car tu sais moi les secrets, je les garde précieusement. »
Je continue la séance, comme si de rien n’était mais je la sens réfléchir, en dialogue avec elle-même puis soudain :
« Tu sais, je crois que j’ai envie de te le dire mon secret. »
« Ah oui, pourquoi ? »
« Ben, je crois que ça m’aiderait. »
« Alors si tu veux, viens on va s’installer là toutes les deux. »
Puis (tout bas) : « Tu vois si je fais plus pipi la nuit, si je ne me réveille plus et si maman ne vient plus me voir qui va s’occuper de moi la nuit, qui va veiller sur moi… ».

De plus, elle était convaincue que la nuit sa maman ne dormait pas mais qu’elle veillait constamment sur elle. Progressivement, elle a pu exprimer ses peurs et ses croyances, la peur de perdre l’amour de sa mère mais aussi entendre que ce n’était pas tout à fait comme cela que ça se passe. Quand un blocage s’exprime il est primordial de prendre son temps, de respecter ce moment et ce que vit l’enfant mais aussi de rassurer en commençant par lui expliquer ce qui se passe et surtout la normalité de ce qu’il ressent, pense.

Dans ces cas, j’utilise beaucoup les symboles. Ici je lui ai expliqué ce qu’était une relation et plus particulièrement la relation entre un parent et son enfant, entre une mère et son enfant et entre elle et sa mère puis nous l’avons symbolisée par une belle écharpe douce et colorée (de son choix) dont nous attachons un bout à une chaise qui représente sa maman sur laquelle elle a déposé un dessin pour mieux la représenter. Je lui explique que cette relation d’amour est unique, indestructible, qu’elle ne va pas disparaître si elle change, si elle grandit mais au contraire qu’elle va grandir avec elle, se renforcer, devenir plus belle, plus riche, plus forte. Je la fait monter sur une autre chaise pour qu’elle constate que cette relation ne tombe pas, ne disparaît pas puis j’écarte les chaises de plus en plus pour lui montrer que cette relation grandit et va continuer à grandir, à s’enrichir. Alors nous rajoutons des écharpes de son choix que nous attachons ensemble. Puis je lui demande s’il y a quelque chose qu’elle aimerait faire avec sa maman. Elle me répond joyeuse qu’elle aimerait que sa maman lui apprenne la couture.

A la fin de cette séance, elle décide de partager son secret avec sa maman. Je les laisse s’exprimer et laisse surtout sa maman la rassurer et lui dire son amour, l’importance qu’elle a ses yeux. Puis elles décident de consacrer tous les jours ¼ d’heure à faire de la couture ensemble. Je la revois 15 jours plus tard. Nous consacrons la séance à dessiner son corps sur une feuille de papier. Puis je lui demande de colorier l’énergie qui circule de son plexus vers les reins et la vessie coloriant la vessie entièrement en jaune (couleur de son choix) pour la renforcer, renforcer ses parois. Je lui propose également d’écrire avec son accord la formule positive suivante : « je fais confiance à mon corps et à ma vessie ». Puis après la relaxation, je guide la visualisation de son corps et de l’énergie qui circule, qui se renforce comme sur le dessin et l’incite à évoquer mentalement la phrase positive sur plusieurs expirations. Je demande à sa maman de prendre le relais chaque jour en fin de journée, avant le repas si possible. Puis nous nous revoyons la semaine d’après pour une nouvelle visualisation où je la guide en se visualisant dormir à chaque heure qui défile tout en étant sûr de son corps, en sentant ses draps tout sec et en évoquant mentalement à la fin de la nuit sur plusieurs expirations : « je me réveille quand ma vessie est pleine » Puis visualiser son réveil, constater que ses draps sont secs, vivre la joie, se sentir contente et sûre de son corps : qu’elle peut compter sur lui, « j’ai réussi, je suis contente de moi ». Là aussi, je demande à sa maman de prendre le relais pendant 10 jours. Elle revient 15 jours après souriante et s’exclame : ça a marché ton truc et en plus au bout de trois jours seulement, tu sais je n’ai même pas eu besoin des 10 jours » Nous travaillons ensemble sur sa joie, sa fierté, grandir. Je la guide dans une visualisation dans 5, 10 ans…. (12 séances ont été nécessaires pour cet accompagnement).

Une autre difficulté qu’on peut être amené à vivre, c’est le refus soudain d’un enfant d’effectuer un exercice ou une relaxation/activation qu’il affectionnait particulièrement avant. Là aussi il faut prendre son temps pour en parler, continuer à accepter son refus et comprendre ce qui se passe progressivement, l’enjeu pour lui. Ce peut-être bien sûr lié à une peur, un bénéfice secondaire comme évoqué au-dessus mais également à tout à fait autre chose. Comme ce garçon de 8 ans qui vivait véritablement avec un grand plaisir la relaxation et les activations. Puis d’une séance à l’autre plus question d’en guider. Jusqu’au jour où il m’apprit qu’il avait voulu en faire une à sa sœur aînée âgée de 10 ans (qui voulait elle aussi, souffrant d’anxiété, faire des séances) mais elle s’était moquée de lui en disant que c’était nul. Voilà un bon exercice pour travailler le jugement de l’autre et les répercussions sur soi ; revenir à ce qui est important pour soi, se faire du bien en se libérant du regard de l’autre quel qu’en soit la raison car dans ce contexte particulier cela avait son importance. Mais ça c’est une autre histoire.

Bien sûr, ce genre de refus peut-être lié à un refus inconscient de la part du ou des parents que l’enfant avance et c’est ainsi que j’aborderai la dernière et non la moindre des difficultés que nous rencontrons lorsque nous travaillons auprès des enfants : la relation avec les parents.

Un parent qui consulte pour son enfant est un parent en souffrance : il y a l’inquiétude, l’exaspération (colère, agressivité…), le désespoir, la culpabilité, l’impuissance… Il faut donc adapter le discours selon l’expression de la souffrance : entendre le parent, le rassurer et surtout ne pas juger « je vois bien que c’est difficile pour vous aussi, c’est pour ça qu’il serait bien pour tous les deux d’en parler, de mettre en place… ».

MAIS IL NE FAUT JAMAIS OUBLIER QUE SON PATIENT RESTE L’ENFANT. Je rappelle ici, une fois de plus l’intérêt de travailler sur soi et de rester attentif au contre-transfert dans ce que le comportement du parent nous fait vivre et notre besoin à vouloir à tout prix le satisfaire ou le rejeter. Le plus important étant de garder le lien avec le parent, la juste distance, ce qui est nécessaire pour l’enfant : de ça dépendra la réussite du suivi. De plus, un parent qui vient consulter se sent souvent en échec, il faut donc se garder des conclusions trop hâtives et des conseils trop vite donnés non réalistes avec les capacités parentales.

Enfant en difficulté = parents en difficultés : l’enfant cristallise les difficultés de chacun et parfois le parent dépose le « paquet » responsable des souffrances, des échecs sans aucune possibilité de remise en cause, c’est lui le problème : « il est comme ci, comme ça… avec parfois une attente inconsciente de l’échec thérapeutique qui va rassurer le parent sur ses capacités défaillantes.
Je me souviens de l’accompagnement d’un garçon de 9 ans dont les symptômes, après 15 séances, avaient disparu (énurésie et pipi le jour dans son pantalon, cauchemars, fortes agitations en classe troublant son bon déroulement). Il nous restait 2 séances un peu plus espacées avant le début des vacances estivales et nous avions prévu de nous revoir 2 ou 3 fois à la rentrée (après accord parental) pour constater l’évolution de son suivi. La maman décide sans m’en parler d’arrêter les séances. Je retrouve donc mon petit patient complètement fermé, inaccessible, agacé et agressif envers moi sans aucune explication de sa part et refusant de coopérer.
La séance suivante sa maman revient en colère et exténuée avec des propos décourageants face à la reprise subite des symptômes. Mon patient est accablé et démotivé. Cette fois-ci, il m’annonce qu’il ne reviendra plus et me fait part de ses peurs et de sa tristesse. Il me dit que c’est grâce à moi qu’il va mieux, que s’il ne vient plus tout va recommencer, que sa maman lui dit qu’il est incapable de surmonter ses difficultés et qu’elle en a « marre ».
Je lui réponds que je conseillerai fortement la continuation du suivi mais que seuls ses parents décideront de reprendre ou non. Je le sens découragé et lui rappelle tous les progrès qu’il a fait, tout ce qu’il a surmonté. Il me rétorque une nouvelle fois que c’est grâce à moi.
« Je t’ai juste aidé, c’est toi et toi seul qui y est arrivé, et maintenant tu sais comment il faut faire, tu sais que tu en es capable, que c’est possible. J’en ai aucun doute parce que tu m’as montré que c’était possible ( ).
« Quand tu me dis tout ça, toi, je te crois. »
Tu me crois car c’est la vérité. Ce n’est pas parce que ta maman dit ça de toi, que tu es comme ça. Ce n’est pas parce que ta maman est en difficulté pour différentes raisons (et nous en parlons ensemble) que tu dois l’être toi aussi, c’est à toi que tu fais du mal, c’est toi que tu dessers. Tu te souviens de tout ce dont on a parlé déjà, tout ce que tu as appris ici ! C’est là au fond de toi à jamais, je t’ai juste montré le chemin pour le retrouver, maintenant tu le connais. Tu ne peux changer ta maman, tu dois faire avec, apprendre avec et c’est parce que tu es fort, très fort que tu y as réussi et que c’est possible. Réussi à voir qui tu es, tes qualités, tes capacités ».
Nous avons passé le reste de la séance à parler et à se remémorer toutes ses réussites, à retrouver cette force au fond de lui. A la fin de la séance, il veut me dessiner un aigle qu’il n’a pas le temps de finir et qu’il me promet de m’envoyer.
Je reçois une semaine plus tard, un aigle splendide. Je le rappelle par téléphone comme il me l’a demandé pour lui dire que je l’ai bien reçu et surtout lui dire que son aigle est magnifique, puissant solide comme lui.
Il me dit qu’il ne veut pas que je l’accroche au mur avec les autres mais que je le garde pour moi. Je lui promets et lui demande de ne jamais oublier cette force au fond de lui, cet aigle : c’est ça le secret et je lui souhaite de bonne vacances. Je ne l’ai jamais revu mais je pense souvent à lui.

Cet exemple illustre bien à tel point il est essentiel de faire ressentir à l’enfant qu’il n’est pas impuissant (le sortir du statut de victime) qu’il peut déjà sentir, ressentir, exprimer dire, accepter ou refuser, décider d’être actif. Mais pour cela qu’il ne doit pas attendre que l’autre change, fasse ou dise différemment, lui apprendre à regarder l’autre autrement non comme une personne puissante qui peut tout, sait tout (parents, éducateurs, copains…) mais comme une personne avec ses difficultés et que cela ne remet pas en cause ce qu’il est et l’amour qui lui porte mais révèle juste la difficulté qu’il a à l’exprimer, et lui montrer que c’est précisément pour cette raison qu’il a l’impression de na pas être aimé, accepté. Lui apprendre qu’au plus il prendra soin de lui, retrouvera ses forces et la confiance, au plus il pourra se positionner et permettre à l’autre ainsi de se positionner différemment.

Je vais regrouper en 3 catégories les différents comportements parentaux, bien sûr cette liste n’est pas exhaustive mais permet juste de repérer les comportements les plus courants.
- Il y a le parent inquiet qui surinvestit, veut tout savoir, tout faire, tout comprendre, tout contrôler, bref être ou paraître le plus parfait possible. Je vais chercher à en dire le moins possible, je mets un peu de distance, les retours en fin de séance sont courts avec parfois juste un « tout va bien, ça suit sont cours… ». J’explique quand même succinctement parfois ce que l’on fait et pourquoi. Car au plus on va chercher à l’écarter, au plus il va être intrusif. J’investis beaucoup plus l’enfant à évaluer lui-même ses difficultés, ses besoins d’une séance à l’autre. J’évite également l’entraînement à la maison ou je le préviens de ne pas aller le surveiller si l’enfant a envie de refaire des exercices, de ne pas l’observer en cachette derrière la porte. Je fais souvent comprendre aux parents dans ce cas précis, que son enfant vit en ce moment des difficultés et que c’est pour cette raison qu’il l’a amené, que c’est à lui de les surmonter comme un grand, de lui faire confiance : que « si j’ai besoin de votre aide, je vous préviendrai ».
- Il y a le parent qui à l’inverse est absent et dépose l’enfant en le responsabilisant sans s’investir ni se remettre en cause. Dans ce cas de figure, je réimplique le parent, je l’intéresse au suivi avec des retours systématiques après les séances où j’explique ce que l’on fait et pourquoi. Bien souvent dans ce cas, l’enfant aime montrer lui-même tout ce qu’il a appris ce qu’il va pouvoir réutiliser chez lui avec ou sans la contribution du parent ou tout simplement juste sa présence, son attention à ce moment là. Là aussi, il faut avancer tout doucement selon ce qui est possible. Ceci doit être fait dans le plaisir, sans forcer, avec l’accord de chacun.
- Il y a le parent qui se focalise constamment sur le ou les symptômes et le temps nécessaire à l’amélioration. Dans ces cas là, j’explique avec humour que je ne fais pas de la magie, qu’un symptôme ne disparaît pas par un simple coup de baguette magique, qu’il a une raison d’être, qu’il exprime quelque chose : il faut d’abord que l’enfant se sente suffisamment en confiance pour se livrer. On ne se livre pas à un inconnu, on ne lui dévoile pas comme ça tous ses secrets, qu’il nous faut à tous entendre, comprendre le sens, attendre qu’il soit prêt.

Souvent je leur donne un exemple concret en leur demandant ce qu’il se passerait si, demain, il devait changer un comportement dans leur travail, se restructurer, quelles seraient les étapes nécessaires pour réussir. Puis leur faire prendre conscience qu’au plus ils vont vouloir aller vite, au plus l’enfant risque d’aller doucement. Je les préviens également parfois que le symptôme pour lequel ils sont venus consulter peut s’aggraver un court moment ou au contraire disparaître rapidement mais qu’un autre peut apparaître. Je les rassure : c’est normal et même bon signe… qu’il faut juste me le signaler.

Pour illustrer une dernière fois mes propos, je vais relater le suivi d’un petit garçon de 5 ans et demi qui consulte pour un bégaiement et des agressions répétées qu’il subit à l’école sans se défendre et même sans que les adultes l’aient su pendant un an. Il m’est envoyé par une orthophoniste qui le suit depuis 2 ans. C’est un enfant plein de vie avec une bonne stabilité, une bonne perception des sensations, une bonne connaissance et aisance corporelle, à l’aise dans sa respiration ayant accès à l’imaginaire et tout fait capable de se relaxer. C’est un enfant curieux, intelligent et motivé qui sait parler 3 langues (ses parents étant des étrangers travaillant et vivant en France avant sa naissance). Bref, un coté « tout bien comme il faut » toujours bien habillé… Je relève une agitation et de l’agressivité chaque fois que j’évoque ses difficultés. A ces moments là, il se ferme totalement, n’entend plus ce qu’on lui dit, bref pour lui tout va bien.
J’insiste donc surtout sur le laisser-aller, le relâchement, les moments de pauses, les sensations pour le ressenti et le besoin de l’exprimer. Je lui montre certains exercices pour se libérer, évacuer. Nous travaillons la protection, la sécurité. Au bout de 4 séances une amélioration apparaît surtout à l’école, à l’extérieur mais chez lui peu d’amélioration ce qui inquiète et agace son papa. Nous continuons tranquillement nos jeux avec l’espace vital, poser les limites les respecter et les faire respecter, prendre soin de son corps et le faire respecter pour l’aider face à ses agressions et lui permettre de se positionner de prendre sa place. Nous utilisons la bulle, le territoire à défendre avec des jeux de rôle (animaux), apprendre à dire NON avec les mots, en mouvements, pour l’aider à sortir de la notion de dominant / dominé. Puis nous recontactons ses ressources : dans les activations, il veut toujours être le plus fort, le meilleur, le premier (son héros préférés étant superman). Il veut tout apprendre vite, tout savoir vite avec une grande peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être assez fort, peur de ne pas y arriver, peurs réactivées chaque fois qu’on lui rappelle ses difficultés. Une grande exigence envers lui et bien sûr une grande peur du jugement.
Je rencontre le papa qui se dévoile, me parle du manque de confiance en lui, de ses exigences, de ses peurs et de ses croyances : si on n’est pas le meilleur, on n’y arrive pas. Je lui propose donc de parler à son fils en toute simplicité de ses peurs, de ses doutes, de ses fragilités, et de lui montrer, malgré, ça ses réussites (familiales et professionnelles).
Puis nous continuons à travailler la peur du jugement, le droit de se tromper, le droit à l’erreur, l’erreur qui permet d’apprendre, de comprendre, de retenir, de savoir, qu’il y a un temps pour ça, que personne ne sait tout toute sa vie, qu’il n’y a pas d’un coté ceux qui savent et de l’autre ceux qui ne savent pas, d’un coté les bons, de l’autre les mauvais. Je l’aide progressivement à sortir du perfectionnement, s’accepter soi tel que l’on est, se libérer du regard de l’autre (parental) sans prendre le risque de perdre leur amour, la reconnaissance : il t’aime, tu as ta place parmi eux, même si tu es différent, même su tu ne réponds pas à leurs attentes : « même si tu n’es pas le meilleur ».

Je lui fais également prendre conscience qu’un enfant qui a dû apprendre 3 langues en même temps c’est très dur, que pour le moment ça accroche un peu car il faut jouer avec tout ça, se faire des repères mais que bientôt tout va devenir fluide et qu’à 6 ans, parler 3 langues couramment, c’est drôlement fort. Il commence à rentrer dans une forte phase d’opposition, phase qu’il n’a jamais expérimentée. Malgré leurs inquiétudes, ses parents l’écoutent, comprennent, tout en continuant à poser les limites, je les encourage et les félicite. Puis pour finir cet accompagnement, je l’aide à se projeter plus tard avec toutes ses qualités, toutes ses richesses, toute sa différence. Aujourd’hui, il ne trébuche plus sur les mots dans aucune des langues, il a retrouvé sa place chez lui et dans la cour de l’école : un grand bravo à lui et à sa famille qui ont su entendre (12 séances ont été nécessaires).

Dans tous les cas de figure, je laisse exprimer les difficultés, les peurs de chacun et je reporte sans cesse mon attention sur l’enfant sur ce qui est important pour lui. Quelles que soient les difficultés, les raisons et leurs expressions, pour moi, c’est toujours un lien qui a été interrompu, une relation qui ne circule plus : ce n’est pas l’amour qui a besoin d’être restauré mais la relation. Or, accompagner les enfants en choisissant la sophrologie, c’est utiliser tous ses outils qui leur sont si bien adaptés comme on l’a vu, pour CREER LE LIEN avec l’enfant, CREER LE LIEN avec le ou les parents dans la seule et unique INTENTION DE RESTAURER LE LIEN ENTRE L’ENFANT ET LE PARENTS car c’est ensemble qu’ils vont continuer leur chemin.

Pour cela, on va chercher à évaluer où chacun en est ici et maintenant pour redonner confiance à tous dans leurs capacités respectives :
- Redonner confiance à l’enfant dans ce qu’il EST en exprimant et acceptant ce qu’il vit et est véritablement, l’obligeant ainsi à sortir du perfectionnement, du besoin qu’il a de répondre aux attentes parentales et accepter ainsi ses parents tels qu’ils sont eux aussi.
- Redonner confiance aux parents dans leurs capacités à tenir leurs rôles et à accompagner leurs enfants, les aider à porter un autre regard sur eux, leur faire prendre conscience que nos enfants ne sont pas toujours comme on croit qu’ils sont ou comme on voudrait qu’ils soient et ainsi retrouver confiance l’un en l’autre en retrouvant confiance en soi.
J’ai essayé ici et lors des dernières rencontres de la F.F.D.S. de relater l’expérience d’une maman et d’un métier qui me passionne. Je ne détiens évidemment pas la vérité. C’est juste ma façon à moi d’accompagner ces enfants vers le mieux-être et si j’avais un seul conseil à donner, c’est d’oublier un peu tout ce que j’ai pu dire, pour juste garder en mémoire nos outils de sophrologues (et bien d’autres) et ainsi se relier à soi-même, à ce que l’on est profondément, la confiance en son histoire en la raison pour laquelle cet enfant, ce patient se trouve là en face de nous pour nous permettre de faire ensemble un petit bout de chemin en toute confiance vers sa vérité.

Je vous souhaite à tous une bonne route.

Malvina Girard, sophrologue à Aix en Provence